La base documentaire

Dormez-vous suffisamment ?

« Le tigre aussi a besoin de sommeil. » - Proverbe chinois.

Une fillette dort avec son gros chien.

Le manque de sommeil est un problème réel et sérieux. Dormir suffisamment est une habitude nécessaire en termes d'efficacité et de santé.

« [Certains considèrent] le sommeil comme une perte de temps, rapporte le journal espagnol ABC. Même les jeunes enfants dorment moins que ne le réclame un développement physique et psychologique satisfaisant ». A Barcelone, le Laboratoire du sommeil de l'hôpital Dexeus établit que les enfants en manque de sommeil sont plus anxieux et irritables. Leurs résultats scolaires s'en ressentent directement, par défaut d'attention et difficultés d'apprentissage, ce qui génère le découragement. Même la croissance de ces enfants peut être retardée. Ces observations datent de... 2004.

En 2024, le constat est encore plus inquiétant, car se sont ajoutés les troubles et perturbations du sommeil dus aux écrans. Dans l'ensemble, nous dormons une heure de moins qu'il y a une cinquantaine d'années. Avec quelles conséquences ?

Le manque de sommeil est-il dangereux ?

Un laboratoire souligne que ce défaut de sommeil chez ces jeunes (et chez d'autres...) est essentiellement dû à des choix de vie. La télévision, l'ordinateur, les tablettes, les jeux vidéos et, peut-être par-dessus tout maintenant, le téléphone portable, sont consommés sans modération avant le coucher et empêchent la venue d'un sommeil sain et suffisant. « Les enfants savent tous que fumer est mauvais pour la santé, mais que « savent-ils » de l'importance de dormir suffisamment, déclare la psychologue Victoria de la Fuente. Si nous ne faisons rien, ils risquent de devenir des adultes insomniaques ». Ces enfants d'aujourd'hui, ce sont les adultes de demain.

« En 2023, les français dorment en moyenne 6h58 les jours de la semaine (...) donc une durée insuffisante selon les spécialistes ».

D'après des enquêtes à ce propos, nous dormirions entre une et deux heures de moins qu'il y a une centaine d'années. Or, nous n'avons pas évolué au point de nous offrir sans dommages le luxe de nous passer de sommeil, même pour gagner du temps. Car ce défaut de sommeil entraîne des complications sur la qualité de vie et la santé.

Le sommeil insuffisant est impliqué dans les accidents de voiture (20% à 30% des accidents de la route seraient dus à la somnolence au volant), la perte d'emploi ou les problèmes familiaux. Ce manque nuit à la santé au point de compromettre l'espérance de vie des individus. Il a des effets immunosuppresseurs, c'est-à-dire qu'il rend plus vulnérable à des infections multiples. Il favorise l'obésité, génère des maladies comme les affections cardiaques ou le diabète. On ne soupçonne pas toujours l'origine probable de ces complications. En France, près de dix millions de personnes seraient concernées.

En 2007, « 56% des français reconnaissaient avoir un mauvais sommeil et constataient un impact sur leur vie professionnelle; 45% disaient avoir moins d'énergie et de dynamisme et 29% des difficultés à se concentrer et reconnaissaient faire davantage d'erreurs. » — Ministère de la santé et de la solidarité, discours de Xavier Bertrand, 2007. Ces chiffres restent stables dans les enquêtes effectuées entre 2020 et 2023.

Pourtant, en 2023, pour ces mêmes français, le sommeil est considéré comme le facteur le plus important, avant l'alimentation (44%), le sport (43%), ou la santé mentale (17%). Parallèlement, deux tiers d'entre eux estiment bien dormir. Toutefois, sur ces 63%, seuls 10% ont répondu "très bien dormir". De plus, 47% disent connaître des difficultés, comme un sommeil non-réparateur ou des réveils plus tôt que l'heure souhaitée.

En 30 ans, nous avons perdu 1h30 de repos chaque nuit. En 2023, nous dormons en moyenne 6h58 les jours de la semaine et 40 minutes de plus le week-end, soit moins que les 8 heures recommandées, donc une durée insuffisante selon les spécialistes.

Il reste qu'un dormeur sur trois se plaint de la mauvaise qualité de son sommeil. 80 % se réveillent même au moins une fois dans la nuit. « Plus de huit français sur dix se réveillent la nuit avec une durée d'éveil moyenne de 32 minutes. » - enquête Institut National du Sommeil et de la Vigilance [INSV], 2020.

« Le sommeil est la moitié de la santé. » - proverbe français.

« En moyenne, [les français] se couchent à 23h06 en semaine et à 23h46 le week-end et mettent 33 minutes à s'endormir - cette durée est encore plus longue pour les utilisateurs d'écran au lit. » - enquête INSV, 2020.

Pendant longtemps, on s'est contenté de ranger les problèmes de sommeil dans la seule catégorie « insomnie ». Une commission américaine a finalement dressé une liste de 17 troubles du sommeil différents. En France, pour le ministère de la santé, « il faut bien distinguer entre les troubles du sommeil, qui touchent un Français sur 3, et les maladies liées au sommeil, telles que les insomnies, le syndrome d'apnée du sommeil (SAS) ou encore le syndrome des jambes sans repos ». Dans certains cas, l'insomnie est la résultante d'une multitude d'autres problèmes physiques ou psychologiques.

Il ne faut pas beaucoup de temps pour que le manque de sommeil crée des ennuis. Un chauffeur pourtant expérimenté a ainsi été victime d'un accident au cours duquel des centaines de litres d'acide sulfurique ont été répandus sur l'autoroute après que son véhicule soit passé par-dessus un remblai. L'explication ? « Je me suis endormi, déclare le conducteur ». Pas de victimes cette fois. Mais nous savons tous que l'histoire ne se termine pas toujours aussi bien...

Des dangers professionnels dus au manque de sommeil

Une jeune femme très fatiguée au travail © berc - Fotolia.com

Autre contexte, autres dangers : le lieu de travail. Une expérience australienne a rassemblé une équipe de volontaires. Ils sont resté de 17 à 19 heures sans dormir (c'est le temps écoulé, par exemple, entre 6h00 du matin et 23h00 le soir/1h00 du matin suivant). Ann Williamson, chercheur pour cette expérience, indique que « les résultats [des participants] à certaines épreuves étaient équivalents à ceux obtenus avec 0,05 % d'alcoolémie, voire pire ». Ce taux peut sembler relativement faible mais rappelons qu'il est obtenu sans alcool du tout.

Ce sont, en tout cas, des circonstances aggravantes en termes de risques au travail, circonstances qui s'ajoutent aux effets habituels de la fatigue excessive, comme une moindre énergie et des réflexes moteurs et mentaux amoindris.

Mais pourquoi manque-t-on de sommeil ? En introduction, il est fait mention de ces jeunes gens qui se privent « volontairement » de sommeil pour s'adonner à d'autres occupations, souvent « électroniques ». Une psychologue s'inquiétait de ces habitudes susceptibles de migrer vers l'âge adulte.

La revue USA Today parle du phénomène du « vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, (...) séisme culturel qui bouleverse nos vies [ainsi que] d'une nouvelle vague de commerces et de services en continu [qui] rencontre un grand succès en défiant la montre ».

Il ressort des observations que dans beaucoup de pays, des gens passent une bonne partie de la nuit devant un écran, souvent connecté à internet. A cela s'ajoutent les troubles affectifs, comme l'anxiété, conséquence fréquente d'un rythme de vie générant inquiétude et stress. Sans parler des maladies physiques qui nuisent au sommeil.

De véritables catastrophes ont pour origine un manque de sommeil.

Dans tous les cas de figure, l'heure est grave mais relativement peu en sont conscients. Pire, la fatigue chronique est parfois un « signe de prestige », témoignage d'une intense mobilisation professionnelle. Parmi les victimes qui s'ignorent, on entend des formules du style « Je me fais vieux, c'est tout », « J'ai du mal à faire front, alors je coupe le moteur de temps en temps » ou encore, « Je suis tout le temps fatigué parce que je n'ai pas assez de vacances. ». Dans une majorité de cas, c'est tout simplement un manque de sommeil.

Et attention à nos prétendues « connaissances » sur le sujet : durée de sommeil, horaires, gestion de la fatigue. Par exemple, non seulement la durée du sommeil est importante, mais sa plage horaire également. Dans une entrevue avec une journaliste de la chaine française LCP, Martin Fourcade, quintuple champion olympique de biathlon, et dont personne ne contestera l'autorité en matière de santé et de forme physique, recommandait explicitement de « se coucher tôt ».

Pour retrouver de bonnes habitudes de sommeil, il convient éventuellement de consulter un médecin. On peut aussi se documenter sur les cycles du sommeil et identifier les symptômes de carence. Enfin, prendre des mesures précises pour régler le problème, peut-être en réaménageant aussi sa literie. Tous ces efforts et dépenses sont parfaitement justifiés par la recherche d'une bonne santé durable. L'affaire est sérieuse, ce n'est pas le moment de s'endormir.

 

Frédéric Huguenin

 

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