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Résoudre un conflit

« On se moque des enfants qui justifient leurs mauvais coups par ce gémissement : "C'est lui qui a commencé !" Or, aucun conflit adulte ne trouve sa genèse ailleurs. ».
- Amélie Nothomb, Le Sabotage amoureux

Il n'est jamais facile de résoudre un conflit. Il existe des principes qui peuvent guider une procédure de règlement. Les chances de succès sont réelles sans être absolues.

Un homme et une femme se dispute au bureau © Patrizia Tilly - Fotolia.com

Il doit bien y avoir d'autres moyens de régler ce conflit...

Avez-vous déjà vécu une situation de différend avec quelqu'un ? Peut-être même étiez-vous en réel conflit ? Ce sont des situations désagréables. Les plus aguerris s'en trouvent affectés. Cela peut perturber les relations personnelles et professionnelles. Si le problème perdure, il devient pesant. Il peut miner les ressources physiques et morales. Préserver de bonnes relations est avantageux mais réclame des efforts.

Les différends ne sont pas tous très différents

Il arrive que nous choisissions d'éviter tout contact avec la personne envers qui s'installe une distance. C'est un réflexe naturel, souvent de protection. Naturel mais peu opportun. Ce n'est pas de cette façon que les choses peuvent s'arranger. Si, parfois, l'évitement ne semble pas porter à conséquences, il contribue pourtant à creuser le fossé. Dans une équipe professionnelle, ce peut-être dommageable. Dans tous les cas, pénible. Combien de drames ont-ils ainsi débuté ? Que faire alors s'il nous semble avoir affaire à un cas de conflit ?

Par principe, il serait cohérent de chercher la réconciliation. Il est d'ailleurs probable que la gêne se soit installée suite à un malentendu. Si ce n'est « que ça », il doit y avoir une solution relativement rapide. Si maintenant il y a un véritable sujet de dissension, certaines mesures sont à prendre. Elles ne sont pas toujours aisées et peuvent mettre notre propre caractère à l'épreuve.

Par exemple, se peut-il que nous soyons le principal responsable du conflit ? Avons-nous eu une attitude ou des paroles désobligeantes ? Dans ce cas, le reconnaître par-devers soi, est un premier pas. Le second, assez logique, serait de le reconnaître auprès de la personne offensée. Plus facile à dire qu'à faire ! Notre amour-propre - dont la limite est très floue avec l'orgueil - risque d'en prendre un coup. Mais si l'issue doit être une saine réconciliation, le rétablissement de relations durables, l'effort peut être consenti. Cette situation est un peu celle de quelqu'un (nous) qui aurait emprunté de l'argent à un autre. Nous aurions une dette. Et pour nous en acquitter, une seule solution, rencontrer l'intéressé et lui restituer son argent. Pas forcément agréable mais plutôt sûr au plan relationnel.

Prendre l'initiative, faire le premier pas pour régler un conflit : difficile mais efficace.

Mais voilà, dans les cas de conflits, très souvent, « c'est l'autre qui nous a offensé ». A tort ou a raison, c'est une conclusion fréquente. Dans ce cas, nous pouvons estimer que tout ce qui précède revient à notre vis-à-vis. Nous restons donc dans l'attente de son « repentir ». Or, il se peut qu'il attende très exactement la même chose, et pour les mêmes raisons. Ça peut durer longtemps... Cette attente devient pesante, nous ressassons, nous augmentons encore les effets de cette discorde. Bref, cela empire.

La seule ébauche de solution, maintenant, viendra de celui qui prendra l'initiative. Quelle initiative ? Celle de chercher la réconciliation. Il s'agit de rétablir d'abord la communication, puis la relation, idéalement, la confiance. Or, une telle démarche, si elle est un témoignage évident de bonne volonté, réclame une bonne dose d'humilité. On dit communément qu'il va falloir « en rabattre ». Surtout si l'on s'estime lésé. Or, au-delà de la sauvegarde de nos intérêts ou de « la face », il peut y avoir l'enjeu supérieur et nécessaire du rétablissement de relations paisibles. Ce peut être un véritable effort, un sacrifice.

Travaux pratiques : disposition mentale, tact et objectif

Un chien et un chat © Willee Cole - Fotolia.com

Malgré des points de vue différents, il y a souvent moyen de s'entendre.

Dans la pratique, comment procéder ? Dans un premier temps, efforcez-vous de vous mettre à la place de celui que vous devez rencontrer. Comment vit-il ce conflit ? En est-il affecté, et dans quelle mesure ? Si lui-même était blessé, comment apprécierait-il ma démarche de rapprochement ? S'il y a vraiment conflit, il serait surprenant que l'autre protagoniste y soit totalement indifférent. Très certainement préférerait-il qu'il n'y ait pas de conflit du tout. Voilà au moins un terrain d'entente : apaiser les relations. Et c'est bien là le premier argument à faire valoir.

Puis vient un moment crucial : expliquer comment et pourquoi sa probable attitude nous a blessé ou déçu. Ou les deux. Plus facile à dire qu'à faire ! Car il s'agit de garder notre calme, de rester dans l'expression de notre ressenti et de ne pas tomber dans le travers de nous répandre en accusations. Expliquons que si nous parlons franchement de ce qui nous a nui, c'est précisément pour dissiper un éventuel malentendu ou pour trouver solution dans un climat d'échange. Qui sait ? Notre interlocuteur n'a peut-être pas perçu à quel point il nous a (alors involontairement) fait du tort. Du coup, il peut être rétrospectivement embarrassé et saluer notre initiative. Plus que la réconciliation, c'est l'harmonie retrouvée. C'est beau.

C'est beau mais ça ne se passe pas toujours comme ça non plus. Notez bien qu'il s'agit ici d'énoncer des principes très efficaces mais qui peuvent se heurter à d'autres composantes beaucoup moins sympathiques, telles que la duplicité, l'hypocrisie, la mauvaise foi, etc. On appelle ça la nature humaine. Cela dit, pour identifier clairement ces éventuelles tendances, rien ne vaut une franche démarche comme évoquée précédemment, démarche qui peut tout de même aboutir, heureusement.

Pour mieux prévenir des réactions potentiellement décevantes, il est important de veiller à la disposition mentale dans laquelle nous nous trouvons en vue de la transaction. Il est bien évident que si nous agissons sous le coup de la colère ou du ressentiment, nous allons susciter des réflexes de défense sévères. Nous risquons l'échec. Il serait bien d'être maître de ses émotions et mentalement disposé à une issue positive. Certes, il peut y avoir un certain stress selon l'enjeu. Mais il pourra se manifester par quelques paroles ou attitudes qui renforceront alors la sincérité de notre approche. Qui sait si ces aspects ne toucheront pas notre destinataire ?

Le tact c'est : « l'appréciation intuitive, fine, mesurée et sûre en matière de convenances ».

Ne perdons pas de vue le résultat escompté : dissiper un malaise, rétablir le dialogue, trouver des solutions. Cet objectif bien en tête nous aidera à passer sur d'éventuelles contrariétés de moindre envergure, voire à céder du terrain. Dans toute négociation, il faut s'attendre à devoir laisser « quelques plumes ». Quelles soient matérielles, financières ou morales, ces pertes vaudront sans doute mieux que de terribles « prises de becs » ! Si le but est clair pour nous, alors nous ne perdrons pas de temps ni d'énergie à tenter de prouver que l'autre à tort, même si c'est le cas. Plus que de trouver un coupable, cherchons une solution viable pour tous.

Usons de tact. Qu'est-ce que le tact ? Selon un dictionnaire, le tact est « l'appréciation intuitive, fine, mesurée et sûre en matière de convenances, de goûts, d'usages ». Dans un film français relativement ancien, François Truffaut utilise un des personnages pour exprimer la nuance entre le tact et la courtoisie. En substance, une actrice énonce que lorsqu'un Monsieur entre par inadvertance dans une salle de bain où se trouve une femme dans son plus léger apparat, la courtoisie lui fait dire : « Excusez-moi, Madame». Le tact lui fait dire sinon : « Excusez-moi, Monsieur ».

Dans certains cas, le tact nous incite à entourer de précautions une remarque ou une suggestion, au risque de passer nous-mêmes pour moins perspicace. Il peut s'agir, par exemple, d'amener une question à règlement en commençant par des sujets de moindre importance et qui créent d'abord un courant amical. Il ne s'agit pas de tergiverser, mais de préserver la dignité d'autrui. Cela vaut bien quelques aménagements, sans doute.

Dans d'autres cas, enfin, et malgré notre application, il n'y aura rien à faire pour gagner quelqu'un. Selon la gravité des faits, il y aura alors lieu d'abandonner (avec ou sans complications) ou bien de poursuivre par des voies plus formelles. Des aspects sur lesquels nous reviendrons. Nous espérons que vous ne nous en voudrez pas...

 

 

F. Huguenin

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