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Mots et merveilles, le pouvoir de la parole

« La parole est un fruit dont l'écorce s'appelle bavardage, la chair éloquence, et le noyau bon sens. » –  Tierno Bokar  

Dans ce document

Introduction
Les mots ont un réel pouvoir et nous placent devant nos responsabilités.

Les mots ont-ils une influence sur la pensée ?
Les mots influencent la pensée, tant celle de nos interlocuteurs que la notre. Notre façon de penser est corrélée à notre façon de parler.

Comment ne pas se laisser prendre... aux mots ?
Pour garder le contrôle de nos paroles, nous pouvons aussi choisir de nous taire ou bien réfléchir avant de parler.

Qu'est-ce que le tact ?
Qu'est-ce que le tact et comment joue-t-il un rôle dans notre choix des mots ?

Pourquoi et comment féliciter ?
Des paroles sincères de félicitation peuvent complètement changer nos rapports avec les autres.

 

Dessin de deux têtes composées de pièces de puzzle - Michael Brown - Fotolia.com

Les paroles saines et constructives contribuent au développement personnel et relationnel.

Le choix de nos mots a un effet sur nos relations et sur nous-mêmes. En prenant quelques précautions, en parlant peu ou mieux, nous pouvons assurer un bon équilibre. Le tact et les félicitations contribuent largement au développement de soi et de la relation.

Un bon mot peut faire du bien à l'âme, surtout s'il est sincère. Une parole blessante peut au contraire détruire le moral ou une amitié.

Nous sommes sensibles aux mots. Nous savons tous que même une critique, si elle est formulée avec tact et précaution, fera plus d'effet qu'un compliment mal exprimé. Seuls les enfants peuvent se retrancher derrière la naïveté de leur langage. Les adultes, nous portons la responsabilité de nos dires.

Les mots ont leur sens et leur musique. Le choix de nos mots influence directement la perception de notre interlocuteur. Moins connu mais tout aussi réel, voire plus encore, pour des raisons de fréquence, les mots que nous prononçons ont une influence sur nous.

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Les mots ont-ils une influence sur la pensée ?

Avant d'aller plus loin, évoquons une expérience de communication. Un groupe assez important de personnes est réuni dans une salle pour voir un seul et même film montrant un accident de voiture sans gravité. Plusieurs semaines après, on rassemble de nouveau ces spectateurs mais scindés en trois sous-groupes. On pose des questions à chacun de ces ensembles à propos de l'accident. Mais les examinateurs introduisent des termes différents selon les sous-groupes. Ceux-ci s'entendront respectivement demander une estimation de la vitesse des véhicules selon qu'ils les auront vus se rencontrer, se heurter ou se percuter — comme s'ils avaient assisté à des sessions différentes. Résultat : entre le premier et le troisième groupe, on note une différence de 50km/h, avec une moyenne pour le deuxième groupe. L'introduction de verbes choisis selon leur caractère propre, a notablement influencé la remémoration des sujets testés.

Si l'expérience porte ici sur le souvenir, il ne fait aucun doute que les mots ont une influence aussi au présent, « en direct ». D'ailleurs le retour d'expérience s'est fait à un instant « présent ». Les mots ont un effet sur la pensée, celle des autres et la notre. Et la pensée a un effet sur notre comportement, notre personnalité.

Les mots ont un effet sur la pensée, celle des autres et la notre.

Pour diriger un bateau, même imposant, il suffit d'un gouvernail, une pièce très petite par rapport à l'ensemble du bâtiment. C'est pourtant lui qui donne la direction au navire. Notre langue est le gouvernail de notre personne. C'est elle, par les mots que nous prononçons, qui nous lancera vers une belle aventure ou bien qui nous précipitera vers les rochers du malentendu et le naufrage de la relation. Apprendre à contrôler notre langue aura des répercussions bénéfiques sur notre vie personnelle, familiale, professionnelle.

Certes, nous n'avons pas que des choses intéressantes à dire ou à raconter. Nos existences respectives recèlent encore très probablement des épisodes plus ou moins glorieux, pénibles ou honteux. Il peut paraître naturel de parler de ses soucis, de ses problèmes. Se plaindre est parfois justifié. Pas question, donc, d'imposer des règles. Mais posons-nous la question : est-il bien avantageux ou seulement utile de parler de ces choses ? Qui intéressent-elles vraiment ? A part quelques intimes, et encore, le nombre est sans doute limité. De plus, quel effet cela aura-t-il sur nous de parler, et souvent de re-parler, de ces choses ? A part auprès d'une personne véritablement de confiance, et dans le probable seul but de s'épancher, il se peut que personne n'ait de solution. Ne risquons-nous pas plutôt d'entretenir alors un état d'esprit négatif ?

En milieu professionnel, même si des formes d'amitié existent, une telle attitude risque surtout de faire le vide autour de nous. Qui a envie d'avoir pour collègue quelqu'un de grincheux, râleur, aigri ou démotivé, négatif et peu amène, ou encore grossier, blessant, même si ces travers ont pour origine une souffrance réelle ? Il serait alors plus indiqué de régler, si possible, ces questions, voire de demander de l'aide dans ce sens, démonstration de sagesse. Mais nos propos, quels qu'ils soient, ont nécessairement une influence sur notre entourage et plus encore, sur nous.

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Comment ne pas se laisser prendre... aux mots ?

Si nous avons de telles habitudes, réfléchissons sérieusement aux moyens de changer les choses. Nous ne deviendrons jamais joyeux, actif, optimiste et entreprenant en stagnant dans les couches sombres du langage. Si nous voulons devenir plus attrayant, capable et dynamique, commençons pas surveiller nos paroles. En nous appliquant à la positive, nous façonnons notre esprit dans cette direction, une direction que nos actes ne tarderont pas à suivre.

« Le sot montre à tout le monde le trou qu'il a dans le tapis, le sage met le pied dessus pour le dissimuler. » — Raymond Hull

Cela vaut aussi pour les séances d'auto-dénigrement, que la méthode soit sincère ou tactique. Quelqu'un qui soulignerait perpétuellement ses défauts et incapacités, souvent pour solliciter une attention bienveillante, se fera rapidement détester et finira par se détester lui-même. Dans Vouloir c'est pouvoir, Raymond Hull utilise une illustration : « le sot montre à tout le monde le trou qu'il a dans le tapis, le sage met le pied dessus pour le dissimuler. »

Encore une fois, il ne s'agit pas de dénigrer ceux et celles en butte à des difficultés extrêmes et qui méritent une attention sincère, voire un encadrement spécialisé. Il n'empêche que, malheureusement dans de tels cas, le rôle des paroles reste le même, avec ses implications. L'aide d'un spécialiste portera très probalement aussi sur le discours de l'intéressé afin de l'accompagner vers une représentation, et donc une formulation, propices à l'amélioration. Même, surtout, en milieu médical, la parole reste le chemin d'accès et d'échange avec l'esprit.

Pourquoi le silence est-il « d'or » ?

Une première et intéressante disposition consiste tout simplement à ne parler que peu, voire pas du tout. Paradoxalement, se taire, garder sa langue, fait partie des plus grandes difficultés. Les avanttages du silence sont cependant avérés.

« Quand il se tait, même le sot paraît sage » — Proverbe biblique

Et ce n'est pas nouveau. La littérature ancienne, déjà, regorge de proverbes et citations faisant l'éloge de la retenue verbale et de sa difficulté. Tel ce proverbe chinois selon lequel « il faut quelques années pour apprendre à parler mais toute une vie pour apprendre à se taire ». Motivation supplémentaire, un proverbe biblique rapporte que « quand il se tait, même le sot paraît sage », de quoi donner des idées à certains. Et tout le monde connaît le célèbre « La parole est d'argent, le silence est d'or ».

Comment « mieux » parler ?

Pour nous aider à filtrer nos paroles et nous inciter à la réflexion préalable, il existe une petite formule simple et riche de conséquences, présentée sous différentes formes. Selon une version, avant de nous exprimer, demandons-nous si ce que nous avons à dire est vrai, édifiant et nécessaire. Le moindre doute sur l'une ou l'autre de ces trois composantes remet en question l'ensemble et sa finalité. Il est fort probable que l'application de ces principes limite dorénavant considérablement notre discours...

Voilà qui nous dissuade définitivement de prononcer des mots blessants, injurieux, négatifs ou simplement déplaisants. Certes, absolument personne ne pourra prétendre à la perfection en matière de langage. Nous avons tous des reproches à nous faire, d'autres nous en ont fait aussi. Il y a aussi des circonstances dans cette existence qui mettent à mal les meilleures résolutions. Il est d'ailleurs peut-être encore temps de réparer. Dans le cas contraire, nous n'y pouvons plus rien. Conscients de cela, notre application n'en sera que plus intense.

Il ne faut qu'un tout petit feu pour embraser une vaste forêt.

L'affaire est plus importante qu'il n'y paraît. Certains avancent qu'il ne faut pas se fixer sur ce genre de détails, « ce ne sont que des mots, c'est le fond qui compte, que la parole est allée plus vite que la pensée, etc. » Mais si la langue est un tout petit membre, son pouvoir est immense. Il ne faut qu'un tout petit feu pour embraser une vaste forêt. Et que d'efforts, de moyens, de dangers pour éteindre l'incendie qui laissera une zone dévastée. Ne devenons pas les maladroits pyromanes de nos relations.

Accordons-nous une marge d'erreur légitime mais n'en abusons pas pour justifier des travers pénibles. Parmi les meilleurs éléments de motivation, rappelons-nous que, outre des effets sur notre entourage, notre parole influence nos pensées et nos pensées influencent nos actions, y compris celles liées à nos projets les plus chers. La réalisation des desseins les plus vertueux plonge ses racines dans les plus salubres paroles, celles qui nous ont motivés et ont motivé les autres.

En pratique, il est difficile de rester muet tout le temps et il nous faut souvent, comme en milieu professionnel, aborder des questions importantes et pas toujours faciles avec des gens que nous ne choisissons pas. Nos capacités langagières seront alors mises à l'épreuve dans des circonstances où les mots que nous allons utiliser feront toute la différence entre la réussite ou l'échec. Cela peut toucher les plans fonctionnel ou relationnel, privé, public ou professionnel. Dans tous les cas, l'enjeu est parfois de taille. Comment faire ? Bien qu'il n'y ait pas de solution miracle, quelques principes peuvent nous orienter.

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Qu'est-ce que le tact ?

A l'origine, l'expression fait référence au sens tactile, évoquant la capacité que nous avons de reconnaître au toucher la texture et la constitution d'un objet ou autre. Selon un dictionnaire, le tact est « l'appréciation intuitive, spontanée et délicate, de ce qu'il convient de dire ou de faire dans les relations humaines ». Tout un programme. En principe, le tact permet de percevoir les sentiments de l'autre et d'évaluer les effets que nos paroles produiront, perception guidée par la considération et le désir de ne pas blesser. Le choix des mots se fait à partir de là.

François Truffaut fait donner une leçon de tact par l'actrice Delphine Seyrig (dans Baisers volés) qui explique que lorsqu'un homme entre par inadvertance dans une salle de bain où se trouve une femme dans le plus simple appareil, la courtoisie serait de dire « Excusez-moi, Madame. », mais le tact serait de dire « Excusez-moi, Monsieur ». Le tact n'insiste pas lourdement sur ce qui fait défaut; il s'en tient au plus près des faits et minimise autant que possible les désagréments.

« L'appréciation intuitive, spontanée et délicate, de ce qu'il convient de dire. »

Par exemple, dans le cas d'une critique nécessaire, celle-ci se voudra constructive. Qu'est-ce qu'une critique constructive ? C'est une critique honnête émise dans une optique de solution, solution qu'elle avancera peut-être elle-même. Ainsi, avec tact, celui qui critique de façon constructive s'applique à souligner les aspects positifs déjà acquis et ceux encore accessibles.

La personne qui use de tact ne « tourne pas non plus autour du pot ». Il ne s'agit pas d'être brutal, seulement concis. Tergiverser crée plutôt un malaise difficile à dissiper ensuite. En s'en tenant à des faits, on peut relever ce défi. Toutes ces précautions honorent autant l'émetteur que le récepteur et construisent une relation sérieuse.

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Pourquoi et comment féliciter ?

Quand avez-vous été félicité pour la dernière fois ? Il se peut que cela fasse « un certain temps »... En milieu professionnel, l'évènement passe pour être plutôt rare. Pourtant, les félicitations, les compliments ou les simples remerciements, pour peu qu'ils soient sincères, font toujours plaisir.

Aucune circonstance, aucun motif n'est trop insignifiant pour justifier remerciements ou éloges. Des adultes aujourd'hui épanouis, capables et agréables le sont devenus parce que, outre leur travail et application, ils ont été régulièrement et honnêtement félicités ou remerciés par leurs parents, leurs professeurs, leurs collaborateurs. Ce sont autant d'encouragements à persévérer, à réussir, à se dépasser.

En prenant l'habitude de distribuer de telles attentions, parfois simples et discrètes, vous exercerez systématiquement sur autrui et sur-vous-mêmes un puissant effet rassérénant et stimulant. Voilà bien un exercice qui ne coûte vraiment pas cher et qui libère pourtant des trésors de qualités et de compétences. Il est bien entendu, quitte à nous répéter et pour assurer la réussite d'un noble dessein, qu'il n'est pas question de basse flatterie, d'obséquiosité et autres attitudes thuriféraires.

Point n'est besoin de formulations conformistes. Un simple mot d'attention, de considération fait un effet remarquable. Une femme, par exemple, sera toujours sensible à une remarque sincère sur sa coiffure, sa toilette, autant que sur ses compétences et réalisations, selon le contexte. Simplicité et sincérité définissent la conduite la plus sûre en matière de compliments. Lorsque nous sommes en public, il convient encore de parler en bien des autres, même si nous avons matière à reproches. Des reproches que nous formulerons d'abord entre lui et nous, avec tact, avant que d'autres mesures ne deviennent réellement indispensables.

De façon parfois étonnante, les éloges que nous faisons à d'autres nous reviennent finalement. Outre le bien-être à formuler des paroles plaisantes, notre réputation récoltera tôt ou tard les heureux fruits de nos attentions. De vertueux, le cercle est vite dépassé pour devenir une spirale ascendante constructive.

Il peut paraître naïf ou ingénu de parler de politesse, courtoisie, éloges et félicitations en un siècle où dominent le carrièrisme, la compétition, la violence sous toutes ses formes, même professionnelle. C'est au contraire une démonstration de sagesse et de lucidité. Les âmes nobles savent que les qualités élevées résistent à tous les assauts du temps, de la médiocrité et de la prétendue culture ambiante, parce qu'elles leur sont indéniablement supérieures.

Mark Twain écrivait : « Un mot juste est une chose puissante [et] ce qu'un homme pense de lui-même détermine, ou plutôt lui désigne son destin ». C'est le mot qui est à l'origine de cette chaîne. Le rapport entre la parole et la pensée est si fort que l'un influence l'autre. Et les pensées tendent vers leur concrétisation en actes. En posant les bons fondements, on parvient à édifier sa personnalité et celle des autres. De bonnes relations et de belles réalisations contribuent à une existence riche et stimulante.

 

F. Huguenin

 

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